Avec Heinrich von Kleist, suicidé à 34 ans, on est toujours à deux pas du gouffre. Mais de ce gouffre émane une vive lumière, celle d’une pensée féconde. C’est ainsi qu’elle se révèle dans l’essai « Sur le théâtre de marionnettes » (1810) où il est finalement moins question de poupées que de condition humaine. Car à défaut d’entretenir des illusions qui servent de béquilles, le poète prussien sait soigner un dialogue. Celui qu’il mène avec Monsieur C, danseur à l’opéra, s’ingénie à remettre l’homme à sa place : laquelle n’est pas le centre du monde mais une périphérie où croissent d’autres espèces. Qualifié de « morceau de philosophie étincelant de raison et de grâce », ce précieux précis de dramaturgie existentielle témoigne qu’il n’est d’autre alternative que l’innocence originelle ou l’omniscience divine.
Épaulé par un équipage de choc, Gilles Lambert prend ici les commandes d’une réflexion de haut vol riche en vertiges philosophiques.