Au printemps 1931, des tirailleurs africains quittent leurs casernes de Fréjus et Saint-Raphaël pour participer à l'Exposition coloniale de Vincennes. À l’automne, réquisitionnés pour enregistrer des musiques dites « indigènes », ils livrent leurs voix aux micros du Musée de la Parole et du Geste. Parmi eux, Hounsou, un tirailleur dahoméen, chante : « Mede mi wa » – Nous ne sommes pas des prisonniers, nous aussi sommes des humains.
Ce chant devenu archive est le point de départ de notre projet de recherche-création, né d'une collaboration entre une chercheuse en sciences sociales et un musicien-collecteur enraciné dans les traditions de la région d’Hounsou. Ensemble, nous avons voulu tisser un autre lien avec ces archives : en refuser la patrimonialisation figée, en interroger les contextes de production, et en écouter les voix, les langues, les résistances qu’elles portent.
En 1931, Philippe Stern enregistre une anthologie de « chants, musiques et dialectes indigènes », avec le soutien de la firme Pathé : 368 enregistrements, 184 disques 78 tours, vingt heures d'écoute. Derrière cette entreprise, une histoire : celle de tirailleurs-musiciens, parfois anonymes, dont la mémoire est aujourd'hui réactivée.
À partir d’un travail d'archives et d'une écoute minutieuse, Yewhe Yeton, musicien originaire du même territoire qu’Hounsou, a composé quatre pièces. Il y fait vibrer les archives : en chantant avec elles, en samplant, en prolongeant leurs rythmes, en habitant leur souffle. Cette démarche donne lieu à un dialogue inédit entre passé et présent, entre mémoire et création.
« Mede mi wa » se présente comme une conférence musicale, croisant analyse historique et performance sonore. Après une première étape dévoilée en octobre 2024 au Musée du Quai Branly et à la Bibliothèque Nationale de France, le projet poursuit sa route.
Car une question nous guide : que font les chansons lorsqu’elles reviennent au pays ? Quels effets produisent-elles aujourd’hui, là où elles sont nées ? C’est vers ce retour que nous tendons : faire entendre à nouveau ces voix, pour voir comment elles résonnent, ici et maintenant.
Cet événement est organisé à l’occasion de l’exposition Afrosonica – Paysages sonores, en partenariat avec l'UNIGE dans le cadre du colloque international "Figures lettrées des mondes oraux. Situations coloniales et postcoloniales", du 22 au 23 mai 2025, coorganisé par Vincent Debaene, Éléonore Devevey et Soraya de Brégeas.
https://www.unige.ch/parole-indigene/activites/colloque-international
https://www.meg.ch/fr/expositions/afrosonica-paysages-sonores