Depuis la naissance de notre ensemble il y a bientôt 30 ans, Antonio Vivaldi occupe une place toute particulière. Avec près de trente concertos et 9 sonates dédiés au violoncelle, Vivaldi nous offre une multiplicité de langages qui se lisent, se jouent et s’écoutent à divers degrés, selon le moment, l’état ou la possibilité pour chacun à les recevoir.
D’apparence simple et pouvant sembler à tort répétitive, cette musique obéit, malgré (et peut-être grâce à…) des libertés de forme qui respectent peu la symétrie des carrures de l’écriture, à une alchimie plus subtile qu’il n’y paraît, donnant à ces œuvres un équilibre inhabituel et une harmonie qu’une simple analyse ne peut toujours déceler.
Vivaldi a cette faculté incroyable de passer en un instant du narratif au descriptif, du feu ardent à la méditation, du parlé-chanté-dansé au chant pur, du cheminement à la suspension du temps, de l’esquisse du drame au sourire heureux, du tumulte au calme interrogatif, du suave au piquant, du figuratif à l’abstrait… Mais cette riche palette qui semble naturellement prolifique et intuitive ne s’arrête pas à des binômes : les mots manquent parfois pour traduire comme on le souhaiterait ce qui apparaît comme un subtil paradoxe, pour exprimer le caractère d’une musique qui renferme en elle une myriade de parcelles qui sont chacune un monde esquissé sans limite, un terreau à l’infinie richesse, une musique dont Vivaldi ordonne la mosaïque avec maestria.
C’est avec l’idée de ce partage que j’ai composé ce programme autour de cinq sonates pour violoncelle et continuo issues des trois manuscrits retrouvés : Paris, Naples et la bibliothèque du château de Schönborn en Allemagne. Viendront s’immiscer des transcriptions réalisées par J.S. Bach de pièces de Vivaldi pour le clavier, témoignage de l’intérêt du Kantor pour cette musique.
Bruno Cocset
