C’est un chapitre méconnu de l’histoire de la culture genevoise au tournant du XXe siècle : l’une des plus grandes médiums - Hélène Smith (pseudonyme d’Élise Müller) - a vécu dans la cité de Calvin et a piqué la curiosité de Théodore Flournoy, professeur de psychologie à l’Université de Genève.
Élise Müller voyage dans des mondes parallèles - l’Inde, la planète Mars - inventant ou réinventant, par le biais d’une troublante glossolalie, des langages passés (le sanscrit) ou carrément extraterrestres (le martien). Elle a 32 ans lorsqu’elle rencontre Théodore Flournoy qui, intrigué et ouvert au supranormal, décide d’assister aux séances de spiritisme que donne cette modeste employée de commerce, en proie à d’étranges visions et hallucinations.
En 1899, le savant genevois publie un long essai intitulé Des Indes à la planète Mars. Étude sur un cas de somnambulisme avec glossolalie. Il traite la jeune femme comme un objet d’analyse mais ne s’aperçoit que graduellement qu’il occupe un rôle toujours plus central dans les fantasmes et les rêveries du médium, en devenant malgré lui un formidable amplificateur de ses facultés créatives.
Le spectacle propose, avec une empathie non dissimulée, un portrait d’Élise Müller, de ses exploits médiumniques et de son parcours existentiel, mais explore aussi et surtout sa relation complexe et contradictoire avec Théodore Flournoy. Si l’histoire d’amour entre cet homme de science et son objet d’étude n’a jamais pu être vécue en tant que telle, ces deux êtres en apparence si différents finissent par former une sorte de couple platonique où se lisent en filigrane les interdits, les non-dits, les tabous d’une société encore terriblement corsetée.
La pièce se concentre donc sur la rencontre entre un savant ouvert aux nouvelles dimensions de la psyché et une femme qui trouve dans la médiumnité un formidable espace de liberté mentale et de conquête sociale, au-delà des préjugés de genre.
Pour un approfondissement, lire l’entretien avec Marco Sabbatini sur le site du Collectif Humagine!