Rousseau doit cette réputation sexiste au dernier chapitre de l’Emile, « Sophie ou la femme ». Incapable de dépasser le préjugé de son temps, il crée une Sophie entièrement programmée en fonction des besoins d’Émile. Le Citoyen de Genève avait pourtant élaboré une conception novatrice et originale de la condition humaine, dont un des traits caractéristiques est la liberté du sujet, quel que soit son sexe. D’autres de ses textes – notamment Les Confessions –, le prouvent sans détour: les femmes sont des sujets libres et à part entière.
Que vient donc faire ici l’écoféminisme ? Ce terme, loin d’être une doctrine unique, réunit des mouvements mondiaux – du Nord au Sud – où se rencontrent luttes écologiques et luttes féministes. Ils répondent à l’oppression qui frappe les femmes et à celle que subit la nature. Relire l’œuvre de Rousseau (qui se déploie simultanément sur le terrain des libertés individuelles et sur celui de notre relation à la nature) à l’aune des préoccupations écoféministes, invite à réfléchir au cadre culturel et historique de cette oppression. C’est aussi l’occasion de porter un nouveau regard sur les textes du 18e siècle, si fondamental pour la modernité, et de donner des outils pour mieux habiter le monde présent et futur.