L’artiste roumaine Ana Lupaș (née en 1940) s’est formée a l’Institut des Arts plastiques de Cluj, au nord-ouest de la Roumanie, dans la section de tapisserie. Terminant ses études au début des années 1960, elle embrasse une carrière d’artiste textile et expose notamment à la Biennale internationale de la Tapisserie à Lausanne (en 1969 et 1971) où ses œuvres côtoient celles d’autres artistes du bloc de l’Est connues dans le champ du Fiber Art, comme Magdalena Abakanowicz et Jagoda Buić. Dans le tournant qu’a constitué l’après 1989, Lupaș a construit un récit susceptible de procurer une large réception, en Europe de l’Ouest et aux États-Unis, de son travail commencé trois décennies plus tôt dans le contexte de la Roumanie communiste. Ses actions, qui se sont déroulées, la plupart du temps, en l’absence de public et à la faveur de ruses pour déjouer la censure, n’ont en effet connu, au moment de leur exécution, qu’une diffusion des plus restreintes. Le récit de l’artiste est aujourd’hui relayé en grande partie par les institutions occidentales où ses oeuvres ont fait entre-temps leur apparition (comme cette année au Centre d’Art contemporain de Geneve dans l’exposition « Chrysalide : le reve du papillon » et au Stedelijk Museum a Amsterdam qui lui consacrera une rétrospective du 9 mai au 15 septembre 2024).
Si ces réécritures de la pratique artistique constituent assurément, comme l’estime l’historien de l’art Jean-Marc Poinsot, un des moyens à l’aide desquels les artistes se constituent en tant que tel·le·x·s, la conférence entend aller au-delà de la construction produite rétrospectivement par Lupaș pour rendre compte de son travail. Parvu examinera notamment celui-ci du point de vue de publications sur ses œuvres, parues à l’époque de leur réalisation, qui font partie de la riche collection de périodiques de la Bibliothèque d’Art et d’Archéologie au Musée d’Art et d’Histoire de Genève. Ces documents, catalogues et revues d’art, seront consultables a l’issue de la présentation.
Une conférence organisée dans le cadre du projet "Zone grise de l’original (des bifaces aux NFT)" de la HEAD.